SAFe is EVIL… mouais.

En ce moment c’est le SAFe bashing chez les agilistes. Certaines critiques sont méritées d’autres moins. Voici mes réflexions sur le sujet car il faut tout de même éclaircir certains points avant de crier « haro sur le baudet ».

  1. First rule at Scale: Don’t do it

Pour des raisons professionnelles et personnelles j’ai passé la certification SAFe SPC. Je ne suis pas devenu un membre de secte pour autant. La première chose que j’y ai entendu: « First rule at scale: Don’t do it ».

La plupart des critiques que j’entends à propos de SAFe sont des critiques sur des points qui sont inhérents à l’agilité à l’échelle.

Comment on assure les interactions humaines à l’échelle ? On évite de dépasser le « Dunbar’s number » et on met tout le monde dans la même pièce me semble une tentative de réponse intéressante.

Comment on s’assure d’avoir un logiciel qui fonctionne quand on est 125 à travailler dessus ? On a besoin d’alignement et de points d’intégration fréquents. Il faut donc se mettre d’accord sur une planification entre plusieurs équipes et le PI Planning est un outil intéressant pour cela .

On veut faire une « équipe d’équipes » et on perd forcément de la liberté au niveau « équipe » pour le bien commun. Est ce que cela est une erreur et nous éloigne des besoins et feedbacks des utilisateurs ? Très probablement, mais c’est un sujet de débat à propos de l’agilité à l’échelle, pas de SAFe en particulier.

L’important, quelque soit le framework d’agilité à l’échelle, c’est de continuer à veiller sur nos principes et nos valeurs comme de livrer régulièrement des fonctionnalités à grande valeur ajoutée pour le client. Pour ce faire il faut être vigilant à ce qu’il existe un vrai contre-pouvoir aux desiderata de quelques managers focalisés sur leur carrière plutôt que sur la réussite de leur entreprise. Cela même qui s’appuie sur leur ressenti pour décrire les réalités imaginées des expériences clients, et qui coute très cher à leur entreprise.

SAFe n’empêche pas de faire des études ethno UX en amont de la gestion du portfolio, des design sprints en pagaille, un quadrant de suivi des opportunités business basé sur l’expérience client ou même un funnel des Business Model qui respecte les fondamentaux du lean startup. En fait SAFe est surtout très léger sur pas mal de sujets (notamment portfolio lean/agile et amélioration continue) et laisse beaucoup de place pour l’expertise agile et l’orientation produit pure et dure.

     2. Il faut rendre à César…

SAFe, mis à part le PI Planning, est surtout un framework qui rassemble les travaux de références d’autres penseurs émérites comme Donald Reinertsen, John Kutter ou Peter Drucker. En gros SAFe n’invente pas grand chose. Quand on lit Reinertsen par exemple, on comprend que c’est un désastre économique de surcharger une équipe. SAFe contient aussi les atouts pour défendre l’efficacité économique, l’agilité et l’humain.

La question qui se pose à mon avis c’est surtout comment et avec quel état d’esprit SAFe, ou l’agilité à l’échelle, est mise en oeuvre ? Quelle est la vision et quels sont les objectifs de cette transformation ? Les acteurs de la transformation sont-ils bien au courant et alignés sur ces objectifs et cette vision ?  SAFe reprend les principes du servent-leadership donc le problème ne viendra pas de SAFe en particulier (qui n’est simplement qu’un produit bien marketé) mais surtout des choix de l’entreprise qui passe à l’échelle. Celui qui voudra continuer à faire comme avant pourra le faire et s’entourera des consultants agiles qui l’aideront dans ce sens mais SAFe ne contient pas en lui même le mal absolu. Ce n’est qu’un outil qui peut être utilisé à bon ou à mauvais escient.

3. On commence par quoi ? Culture ou organisation… 

J’ai vu la mise en oeuvre d’agilité à l’échelle en partant des équipes et du terrain. C’est ce qu’il y a de plus efficace, ça fonctionne et on respecte l’auto-organisation. On renforce l’adhésion et l’engagement et surtout les réalités du terrain.

Mais comment le faire sur 12 000 personnes qui travaillent en cycle en V ? Ce n’est pas si simple.

Les collaborateurs ont besoin de repères, de rôles et de responsabilités clairement définis, ils ont besoin de clarté pour faire les premiers pas. L’utilisation d’un framework (qu’il soit sur-mesure ou existant) a des vertus dans la conduite du changement. Je ne dis pas qu’il ne méritera pas d’amélioration continue et que c’est nécessairement la première étape mais c’est un premier pas qui peut avoir du sens sur de très grands groupes.

Jonh Kotter parle d’ancrer le changement dans la culture de l’entreprise lors de la dernière étape de « conduire le changement ». La création d’un framework agile/lean demande du temps et un ancrage profond de l’amélioration continue dans la culture de l’entreprise. Tout les entreprises ne sont pas capable de faire du Spotify.

Le client veut des résultats rapides et décide d’utiliser un Framework. C’est son choix et c’est un sujet de débat possible et très interessant.  SAFe peut être choisi comme un premier pas dans la mise en oeuvre d’un framework auto-défini, SAFe ne contient pas intrinsèquement d’incompatibilité avec ce scénario. Il n’est pas rare de partir de SCRUM pour finir en SCRUMBAN ou bien d’expliquer aux équipes comment ils vont travailler avec SCRUM (et de leur imposer certaines règles au départ comme le management visuel) avant de leur laisser toute autonomie pour définir leurs propres règles.

     4. Connaitre avant de critiquer

Restons bienveillants et intelligents. Ne faisons pas de critique à l’emporte pièce en jetant le bébé avec l’eau du bain. Le jugement a priori, et sans interactions avec l’autre, est ce qui construit les silos.  Il y a de nombreuses critiques à faire sur SAFe mais il faut le faire en sachant de quoi on parle. Oui SAFe fait de l’argent… comme beaucoup d’autres produits. Peut-on lui donner la même place dans la culture agile que SCRUM, KANBAN ou XP ? Non, ce n’est pas comparable. Les meilleurs intentions peuvent être détournées à des fins commerciales mais faire de l’argent n’est pas mal en soi.

Pour conclure…

SAFe déchaine beaucoup de critiques et de bashing mais il faut éviter de suivre les mouvements de foule car c’est plus la passion que la raison qui les guide. L’agilité n’est pas un mode, c’est une nécessité pour des raisons scientifiques. Sans la culture et l’état d’esprit qui  font corps avec l’Agilité, les entreprises dépenseront beaucoup d’argent mais n’en tireront pas les bénéfices. Gardons la raison et la capacité à nous remettre en question, comme le fait la science, pour accompagner au mieux nos clients, et surtout leurs collaborateurs, vers l’épanouissement et la réussite.

 

 

 

 

 

Publié par Julien Fonteneau

Ingénieur philosophant aux pauses café

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